Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 22:18

Des pratiques illégales au service d’intérêts particuliers

 

L’épisode conflictuel qui avait opposé Chirac à Balladur en 1995 a donné lieu à un rebondissement judiciaire pour des faits de corruption lors de vente d’armes, ce qui pourrait être lourd de menaces pour les personnalités politiques concernées, notamment le président Sarkozy (qui, au moment des faits, en 1994, était ministre du Budget du gouvernement Balladur) et ses amis.

 

Le pouvoir judiciaire, qui a été malmené par le président de la République et la ministre de la Justice, depuis deux ans, pourrait être revanchard.

 

L'attentat de Karachi de 2002, une affaire politique très française

 

Selon Oriane Raffin, qui signe un article dans le journal « 20 minutes », daté du 19 juin, l’attentat de Karachi, en 2002, au Pakistan, trois jours après la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la République, aurait un lien avec la décision de Jacques Chirac, en 1996, de cesser de verser des commissions promises par la France lors de l’achat de sous-marins, une partie de ces commissions étant reversée en France (« rétro-commissions » qui auraient servi au financement de la campagne de Balladur en 1995). A l’époque, les commissions étaient légales, mais pas les rétro-commissions.  C’est à ce niveau que l’ancien ministre du Budget serait concerné par l’enquête.

 

L’attentat de 2002 à Karachi
Le 8 mai 2002, un attentat à la voiture piégée contre un bus affrété par la DCN (les anciens arsenaux d’Etat) fait 14 morts à Karachi, au Pakistan, Parmi eux, 11 ingénieurs français travaillant pour la DCN ou ses sous-traitants. Pas de doute, la France et un des symboles de son armée, sont visés.

L’enquête a abandonné la piste Al-Qaïda
L’attentat de Karachi intervient quelques mois seulement après le 11 septembre 2001. Les premiers soupçons se portent immédiatement sur la piste terroriste et Al-Qaïda.

Ce jeudi, on a appris que les juges antiterroristes avaient changé de piste. Selon l’avocat de sept familles de victimes de l’attentat, Me Olivier Morice, joint par 20Minutes.fr, ils travaillent désormais sur une véritable affaire d’Etat, impliquant plusieurs pays, dont la France.

Les militaires et services pakistanais auraient commandité l’attentat en représailles au non-paiement de commissions, promises par la France lors de l’achat de sous-marins français. Une façon de «punir» la France, qui n’aurait pas tenu ses promesses.

L’opposition de 1995 entre Edouard Balladur et Jacques Chirac au cœur de l’affaire
Pour comprendre pourquoi la France n’aurait pas tenu ses engagements et renoncé à verser les commissions promises, il faut remonter dans le temps. De 1993 à 1995, Edouard Balladur est le Premier ministre de François Mitterrand. Un accord tacite avec Jacques Chirac prévoit qu’il lui laissera la place dans la course à l’Elysée, en 1995. Mais Balladur change d’avis… Populaire à l’époque, il décide de se lancer dans la campagne présidentielle, mettant fin ainsi à une «amitié de 30 ans». Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua le soutiennent. Mais c’est Jacques Chirac qui gagne.

Or, selon l’avocat des familles, dans le cadre du marché conclu avec le Pakistan, des «rétrocommissions étaient versées», c’est-à-dire qu’une partie de l’argent revenait en France. Ces rétrocommissions auraient servi au financement de la campagne électorale de 1995 d’Edouard Balladur.

Une fois arrivé au pouvoir, Jacques Chirac, avec son ministre de la Défense Charles Million, aurait alors décidé d’arrêter le versement des commissions au Pakistan, afin de réduire les moyens de son principal adversaire politique.

Comment les enquêteurs sont-ils arrivés à cette piste?
Elle a surgi en 2008, dans le cadre d’une enquête sur des faits présumés de corruption et de ventes d’armes. Lors d’une perquisition au siège de la DCNS (ex DCN), des policiers découvrent des documents portant sur des sociétés par lesquelles ont transité des commissions versées en marge de contrats d’armements.

Un de ces documents, baptisé Nautilus et non signé, faisait état d'une «instrumentalisation» de militants islamistes par des membres des services secrets pakistanais et de l'armée. Il indiquait que «l'attentat de Karachi a été réalisé grâce à des complicités au sein de l'armée (pakistanaise) et au sein des bureaux de soutien aux guérillas islamistes» des services secrets pakistanais.

Selon Mediapart, l’auteur de la note «Nautilus» serait un «ancien membre des services secrets français, ex-agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST)», Claude Thévenet.

«J'avais été chargé par les instances dirigeantes de la DCN de recouper un certain nombre d'informations parce que la DCN avait peur que les services officiels, comme la DGSE ou la DST, lui livrent des informations inexactes ou tronquées sur ce qui s'est réellement passé au Pakistan», confie l’ancien espion sur le site internet.

L'avocat des familles estime maintenant qu'il «semblerait logique que des magistrats puissent entendre des hauts responsables français sur cette affaire».

 

L’Etat était informé des vraies raisons de l’attentat de Karachi et de ses commanditaires. La preuve : Karachi: dès 2002, la DGSE a mené une opération de «représailles» contre des militaires pakistanais (site Mediapart, 19 juin)

 

Selon des informations recueillies par Mediapart, les services secrets français ont mené en 2002 une opération de représailles – «casser des genoux» – contre des militaires pakistanais suspectés d'être impliqués dans l'attentat de Karachi. Le 8 mai 2002, cet attentat fit quatorze morts dont onze Français, employés de la Direction des chantiers navals (DCN).

 

L'opération a été le fait du service «Action» de la Direction générale des services extérieurs (DGSE). Cette information a été confirmée le 14 mai devant un juge antiterroriste par l'ancien agent de la DST, Claude Thévenet.

 

Ce dernier a reconnu être l'auteur du fameux rapport «Nautilus»: il révèle que l'attentat aurait été causé par le non-versement de commissions dues par l'Etat français, sur fond de règlement de comptes entre chiraquiens et balladuriens.

 

C'est aujourd'hui la thèse privilégiée par les juges. Une thèse qualifiée de «grotesque et de fable» par le président de la République. Jointe par Mediapart, Sandrine Leclerc, fille d'une victime, se dit «très fâchée et même en colère contre Nicolas Sarkozy».

 

Voir aussi  Attentat de Karachi: l'enquête s'oriente vers une «affaire d'Etats» (Libération, 19 juin),

 

Attentat de Karachi : interrogé, Sarkozy qualifie les informations de "grotesques" (Nouvel Observateur, 19 juin),

 

Derrière les onze morts de Karachi, le duel Chirac-Balladur (Rue89, 19 juin).

Partager cet article
Repost0

commentaires